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En 1922, Man Ray crée ses premières “rayographies” peu après son arrivée, l’année précédente, en Europe. Le photographe affirme avoir “découvert” le procédé de façon indépendante et tente, de manière fervente, de s’en attribuer l’autorité : il lui donne son nom et multiplie les publications de ce genre d’images peu après sa découverte (dans plusieurs revues ainsi que dans son célèbre portfolio des Champs Délicieux) qui feraient office de “brevet d’invention” (selon le bon mot de Jean Cocteau).
En fait la situation est plus compliquée. En effet, lorsque Man Ray crée ses rayographies il est le deuxième artiste d’avant-garde à se servir de ce procédé, le photographe allemand Christian Schad avait crée des “schadographies” dès 1919 (le procédé technique est identique à celui employé dans les rayographies).
Man Ray nie avoir eu connaissance du travail de Schad à l’époque mais celui-ci avait été publié par Tzara, qui logeait en 1922 dans le même hôtel que le photographe américain. La coïncidence mérite d’être notée, d’autant plus que Man Ray reconnaît, dans son autobiographie de 1963, que Tristan Tzara l’a visité peu après la création des toutes premières rayographies.
Man Ray et Christian Schad se servent, en réalité, d’un processus duquel il ne sont pas du tout les inventeurs, il s’agit de la technique du photogramme. Cette technique est parmi les plus anciennes dans l’histoire de la photographie: William Henry Fox Talbot s’en servit pour produire certaines des premières images photographiques de l’histoire.
Afin de décrire cette technique on reprend ici l’explication rigoureuse qui accompagnait le graphique ci dessous: “Création d’un photogramme : Une source lumineuse (1) illumine les objets (2 et 3) qui sont placés directement sur une surface photosensible. Selon la distance des objets au film, leur ombre est plus nette (7) ou plus diffuse (5). Les parties du film qui sont dans l’ombre (6) restent blanches ; elles deviennent grises si les objets sont transparents ou translucides ; les parties entièrement exposées (4) sont noircies”.
La technique illustrée ici est exactement celle que Talbot et les photographes d’avant-garde du début du 20ème siècle utilisent (la seule grande différence strictement technique qu’apporte le temps est dans les évolutions de la qualité du papier photosensible). La différence fondamentale qui s’établit entre ces trois photographes repose, donc, sur les utilisations qu’ils donnent au photogramme. Talbot crée des photogrammes très souvent “botanistes”; Schad est proche des préoccupations dadaïstes. Man Ray, quant à lui, se saisit de cette technique dans la perspective surréaliste de l’automatisme (la rayographie se crée sans l’usage d’une caméra, les objets laissant directement leur empreinte sur la surface photosensible) et de la rencontre d’éléments hétérogènes au sein d’une même image (les rayographies sont souvent le produit de multiples expositions).
Sources
The Metropolitan Museum of Art
Sources des images
The Metropolitan Museum of Art
Centre Pompidou (Musée National d’Art Moderne)
Posted by Alvaro